Marit Fosse est une artiste peintre norvégienne, fondatrice et rédactrice en cheffe du Diva International lorsqu’elle travaillait aux Nations Unies à Genève. Ses œuvres ont été exposées en Suisse, en France et aux Etats-Unis. En 2016, elle publie Nansen, explorateur et humanitaire, en hommage à son compatriote Fridjof Nansen qui avait octroyé les fameux « passeports Nansen » aux réfugiés apatrides qui fuyaient le génocide arménien et la révolution russe.

Marit Fosse, vous êtes avant tout journaliste. Que pensez-vous de la situation de la
liberté de la presse dans le monde, et en Europe ?

Tout d’abord je vous remercie de l’honneur que vous me faites. Je ne prétends pas être journaliste accomplie. Disons plutôt que je suis apprentie éternelle. Voyez-vous, si je disais que je me considérais comme journaliste, ce serait un affront vis-à-vis des grands journalistes. Je suis tombée dans le journalisme par hasard, j’adore ce métier, mais dire que je suis au même niveau que les autres, cela serait trop prétentieux.

En ce que concerne la liberté de la presse, à l’heure actuelle elle reste difficile à définir. J’ai beaucoup de respect pour mes confrères/consoeurs journalistes, si toutefois je peux me permettre de les appeler ainsi, car il ne faut jamais oublier que beaucoup d’entre eux ont payé de leur vie pour informer le monde sur ce qui se passe ailleurs. Que ce soit des journalistes de la presse écrite ou de la télévision, je considère avec respect le travail qu’ils accomplissent. Le journalisme n’est pas un travail aussi facile qu’on pourrait le croire. J’ai passé quelques années à côté d’eux et je peux le confirmer.

Décrivez-nous votre parcours professionnel. Vous connaissez très bien Genève pour y avoir vécu pendant quelques années.

Je suis de formation économiste de la Norwegian School of Economics & Business Administration et également diplômée de sciences sociales de l’Institut Catholique de Paris. Je suis tombée dans le journalisme par hasard quand j’ai créé Diva International, il y a bientôt 16 ans.

Vous avez publié un livre* dédié à votre illustre compatriote Nansen. Pouvez-vous nous expliquer ce qui a motivé l’écriture de cette biographie ?

Lorsque j’avais décidé de compléter ma thèse de doctorat en sciences sociales, j’ai appris à ma grande tristesse que mon directeur de thèse, monsieur Jacky Ducatez, avait eu un accident et qu’il était décédé. Du coup, il fallait trouver un autre sujet.

Comme j’étais au Palais des Nations, j’ai commencé à explorer les archives de la Société des Nations (SDN). La recherche fut passionnante, et au lieu de terminer ma thèse, j’ai écrit mon premier livre, que John Fox a ensuite traduit en anglais. Je l’ai reconnu en tant que co-auteur par la suite.

En Norvège, le nom de Fridjof Nansen est connu, mais peu de personnes se rendent compte de ce qu’il a fait et encore moins de son héritage humanitaire. L’idée n’est pas venue de moi, mais de M. Pierre Pelou, alors directeur de la bibliothèque. Il me disait qu’il serait bien de dépoussiérer Nansen ; c’est grâce à lui que j’ai entrepris ce travail. De ce fait, un jour je me suis de nouveau plongée dans les archives de la Société des Nations. Ce que j’y ai trouvé était passionnant, et vous en voyez le résultat.

Nansen était à mon avis, un vrai humanitaire, qui eut beaucoup de vision. Il ne touchait pas de salaire. Il se faisait rembourser ses frais qu’il mettait un point d’honneur de garder au strict minimum. Il voyageait en 3e classe, dormait dans les chambres d’hôtel les moins chères etc. Il puisait même dans son propre argent quand c’était nécessaire.

Pour moi, Nansen avait un grand cœur. Les réfugiés sont avant tout des êtres humains. Comme nous tous ils ont leur fierté, leurs ambitions et leurs aspirations. Nansen se battait pour eux.

La Suisse et la Norvège ont lancé l’initiative Nansen en 2012, qui a abouti à la création d’une plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes. Pensez-vous que la population européenne soit sensible à cette situation dramatique qui va empirer ?

Je pense que la Norvège et la Suisse ont beaucoup de points en commun : deux petits pays, qui sont à en dehors de la zone euro, chacun avec une économie solide et dont les habitants sont très soucieux de l’environnement naturel. Tout récemment, une baleine a échoué morte sur la côte de Norvège, et lors de l’autopsie qui s’ensuivit, ils ont trouvé 30 kilos de sacs en plastique dans son ventre. Cela a été comme un électrochoc. Pareil pour l’iceberg qui s’est détaché récemment en Antarctique. Cela aussi est très inquiétant. Nos populations respectives sont conscientes du danger, et font des efforts, mais comment faire pour changer la mentalité des grands pollueurs ? C’est ça la grande question.

Comment êtes-vous passée de l’écriture à la peinture ? On sent bien vos inspirations du début du XXe siècle. Qui sont vos plus grands maîtres ? Quel est votre fil conducteur ? Que cherchez-vous à capturer ?

La peinture et moi, c’est une longue histoire d’amour, qui a commencé il y a fort longtemps. Le cousin de ma grand-mère était peintre, Kai Fjell, donc je suppose que cela a pu être dans les gènes. Je ne pourrais pas l’expliquer autrement. Un jour j’ai essayé la peinture à l’huile et c’était l’amour total. Il fallait continuer, donc j’ai continué et je continue.

Pour moi, la peinture et l’écriture sont des cousins, membres de la même famille créative. Dans la peinture on joue avec les couleurs ainsi que dans l’écriture on joue avec les mots.

Il est également vrai que j’ai une certaine faiblesse pour la peinture du XXe siècle, avec ses formes et ses couleurs. C’est une période très intéressante, avec beaucoup de progrès, de changements aussi bien dans la société en tant que telle qu’au niveau artistique. On voit l’émergence de peintres tels que Chagall, Kandinsky, Klee… pour n’en citer que quelques-uns.

Pour moi, la chose la plus importante est l’émotion que l’œuvre peut susciter chez la personne qui la regarde. On a tous des sensibilités diverses, et une œuvre qui me parle ne va pas forcément vous parler et ainsi de suite. Une œuvre doit avant tout nous toucher, dans nos tripes…

Qui sont tous ces personnages que vous représentez sur vos toiles ?

Les personnages sur les toiles peuvent être moi, toi… De temps à l’autre je me moque un peu de mon entourage et du coup je fais des choses « rigolotes » ou « mignonnes ». Je n’ai pas de modèle particulier, tout dépend du moment où je me trouve là, devant ma toile, mes pinceaux et mes couleurs. Parfois je me trouve dans une humeur qui m’incite à faire des choses abstraites, parfois des choses plus « réalistes ». Je ne peux pas vous l’expliquer car cela vient comme ça.

Quelle serait votre définition de la peinture contemporaine ? Pensez-vous qu’elle soit suffisamment engagée ?

C’est une question difficile. L’art, par définition, doit refléter la société au sein de laquelle il est créé. Pour moi c’est le rôle primordial de l’artiste. Maintenant, comment l’artiste fait passer le message ou, disons, son message, dépend de lui. Personnellement, je pense qu’il y du bon et du mauvais, mais encore une fois, qui suis-je pour juger ? Mes goûts ne vont pas nécessairement plaire aux autres.

Quels sont vos futurs projets artistiques ? Allez-vous écrire un prochain livre ? Vous intéressez-vous à d’autres formes artistiques telle que la sculpture ?

Oui j’ai d’autres projets de livre, et je me permettrai de revenir vers vous quand un d’entre eux en particulier sera un peu plus « mûri ». La peinture continue, je travaille beaucoup. J’aimerais bien essayer de faire d’autres choses, mais pour le moment j’admire surtout le travail des autres. Il existe des sculpteurs formidables, et toute sorte d’artistes. Si un jour, j’ai un peu de temps, j’aimerais bien essayer d’autres projets, mais pour le moment c’est bien trop tôt.

Dernière question : savez-vous le nom de l’actuel champion du monde d’échecs ?

Je crois que oui et permettez-moi de dire cocorico…C’est ce jeune prodige norvégien si mes souvenirs sont bons, Magnus Carlsen.

Propos recueillis en juillet 2017 par John Milton Club

*« Nansen, explorateur et humanitaire », par Marit Fosse et John Fox. Ed. Le Scribe L’Harmattan, 288 pages. Octobre 2016

Biographie de Nansen par Marit Fosse et John Fox (Editions L'Harmattan, novembre 2016)
Toile de Marit Fosse dans la collection "Daydreams"
Marit Fosse
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