Par Thomas Tartakover

Un article fort intéressant d’Yves Bourdillon paru en octobre 2017 dans Les Echos [1] nous apprend que les métropoles protestantes dominaient 53% du PIB mondial au début du XXe siècle, contre seulement 26% au début du XXIe siècle selon l’historien Angus Maddison.

Comme l’article le souligne, l’explosion démographique y est évidemment pour quelque chose, puisque l’Europe protestante connaît de nos jours un taux de natalité très faible et un vieillissement de la population, tandis que les pays émergeants (l’Inde par exemple, qui a passé de 680 millions d’habitants en 1981 à 1,26 milliards d’habitants en 2016 et dont 80% de la population est hindouiste contre seulement 2,3% de chrétiens[2]) vivent une véritable explosion démographique. Il est donc évident que les rapports entre PIB mondial et protestantisme s’en trouvent bouleversés. Toutefois, que peut-on en déduire, éthiquement parlant ?

La situation industrielle actuelle dans certains pays, l’Inde, la Chine, le Brésil, rappelle l’exploitation que vivaient les ouvriers au XIXe siècle. Cela ressemble fort à un effet d’imitation mais sans connotation chrétienne. Ces pays ont compris comment il fallait faire, concrètement, pour se développer économiquement, en prenant la vieille Europe et les Etats-Unis comme modèles, mais en faisant fi de toute éthique. Selon une étude de l’Organisation Mondiale du Travail (OIT) menée conjointement avec Walk Free Foundation, 40 millions de personnes (dont 25% d’enfants) sont réduites à l’esclavage dans le monde en 2016 et 25 millions de personnes sont des travailleurs forcés[3]. Cet épouvantable constat semble démontrer cet effet d’imitation ; on pourrait en déduire que pour développer économiquement certains territoires, l’homme est attiré par ce qui a fonctionné par le passé : abus de pouvoir, exploitation des plus faibles, jusqu’au jour où ces territoires seront suffisamment riches pour traiter dignement leurs travailleurs, et aussi sans doute parce que les travailleurs concernés auront dû se révolter contre les conditions de travail indignes qu’ils subissaient.

Qu’en est-il des entrepreneurs issus de ces pays ? L’effet d’imitation, toujours. Les grands industriels indiens, par exemple, ont la plupart du temps étudié dans les universités américaines ou britanniques [4] et ont donc un sens extrêmement développé du business anglo-saxon. Aditya Mittal a étudié à la Wharton School de Pennsylvanie, par exemple. Il est inutile de rechercher la moindre éthique chrétienne dans la façon moderne de pratiquer le capitalisme mondialisé. Par ailleurs, les grands dirigeants d’entreprise étant tous devenus interchangeables, ce qui ne signifie pas qu’ils soient capables de l’assumer, on peut retrouver à la tête d’une entreprise de tradition protestante un CEO d’une autre tradition religieuse et qui ne respectera jamais ni les coutumes locales ni la culture d’entreprise. C’est un phénomène déplorable mais qui est hélas lâchement accepté comme une fatalité.

[1] https://m.lesechos.fr/030786907622.htm

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Démographie_de_l%27Inde#Évolution_démographique

[3] www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_575479/lang–fr/index.htm

[4] https://www.lemonde.fr/economie/article/2007/03/22/nouveaux-magnats-indiens-a-l-assaut-des-marches_886532_3234.html

JohnMilton Club émet depuis la Suisse