A son retour du Sommet de Salzbourg, le Premier ministre du Royaume-Uni, Mme Theresa May, était remonté contre l’Union européenne. On peut le comprendre. Il faut dire que le Machin bruxellois a rejeté sans concessions la proposition d’accord présentée par Theresa May pour conclure le Brexit.

Pour le Premier ministre, il est inimaginable de désunir le Royaume-Uni en acceptant une « différence de traitement entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni ». Mme May a sommé l’Union européenne de présenter des contre-propositions. Il était temps qu’elle tapât du poing sur la table. A son retour d’Autriche, elle s’est fait laminer par la presse britannique unanime qui parlait d’« humiliation ». Et il est vrai que les dirigeants des 27 n’ont pas été tendres avec elle. Ils ont refusé ce plan qui prévoyait une zone de libre-échange pour les biens industriels et les produits agricoles, mais sans les services. Mercredi et jeudi, le Sommet des 27 devait tenter d’arracher enfin un accord, à six mois de la sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union européenne, le 29 mars 2019. Theresa May avait exprimé son souhait de voir l’Union européenne assouplir sa position, comme l’a fait le Royaume-Uni au fil des mois. Le cas de la frontière irlandaise est le plus délicat, car, vingt ans après l’Accord du Vendredi Saint, le risque de voir réapparaître de fortes tensions sur l’île de Saint-Patrick est réel. Or, pour Theresa May, il n’est pas question de conclure un régime douanier différencié entre l’Irlande du Nord et la Grande Bretagne, au nom de l’intégrité nationale. Car la solution proposée par Bruxelles pour éviter le retour de cette frontière irlandaise est de maintenir l’Irlande du Nord dans l’Union douanière de l’Union européenne.

Le cas irlandais est insoluble et entraînera assurément un No-Deal. La seule frontière terrestre du Royaume-Uni avec l’Union européenne sera celle avec l’Irlande. Dans un monde idéal, il faudrait pouvoir éviter une telle frontière sur l’île pour éviter un retour du conflit qui a causé tant de malheurs au cours du XXe siècle. Cette frontière est pourtant inévitable si le Brexit veut être respecté et Tony Blair, qui était l’un des signataires de l’Accord du Vendredi Saint, fut le premier à dire qu’il faudrait amender cet Accord pour pouvoir appliquer le Brexit.

Boris Johnson, qui avait vivement critiqué les propositions du Premier ministre, craint désormais de voir l’Union européenne « mettre le Royaume-Uni au tapis. ». M. Johnson avait démissionné de son poste de ministre des affaires étrangères en juillet dernier pour protester contre la tournure que prenaient les négociations, lorsque le Premier ministre avait proposé cette fameuse zone de libre-échange. Il estimait que « le rêve du Brexit était en train de mourir. » M. Johnson est le partisan d’un Brexit pur et dur. Sa démission avait immédiatement suivi celle de David Davis, le ministre du Brexit, en raison des nombreux désaccords entre M. Davis et Mme May qui rendaient sa position intenable. M. Davis avait été remplacé dans la foulée par un eurosceptique, Dominic Raab, qui a déclaré il y a dix jours que le Royaume-Uni refuserait de payer l’entier de la facture du Brexit en cas de No-Deal. Un accord préliminaire avait été conclu sur le montant que Londres devrait payer à Bruxelles : 39 milliards de livres sterling pour régler le divorce.

Vendredi, lors de sa déclaration télévisée depuis Downing Street, Theresa May a promis derechef qu’il n’y aurait pas de second référendum. Elle a insisté sur sa préférence pour le No- Deal au lieu d’un mauvais accord et a accusé l’Union européenne de lui avoir manqué de respect. Plus tard, Donald Tusk, le président du Conseil européen, a tenté de calmer le jeu en promettant qu’« un bon compromis est encore possible. »

Jorge Hansen

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